Convention fiscale France-Italie : impôt patrimonial IVIE
Question écrite de Alexandre Bezardin, Vice-Président de l’Assemblée des Français de l’étranger et Conseiller élu pour la circonscription Europe du Sud.
Je souhaite attirer l’attention de Mme Sophie PRIMAS, Ministre déléguée chargée du Commerce extérieur et des Français de l’étranger, et de M. Antoine ARMAND, ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, sur la fiscalité immobilière applicable aux Français résidant en Italie.
En 2011, le législateur italien a créé un impôt patrimonial, nommé imposta sul valore degli immobili all’estero (IVIE), qui s’applique à tout résident fiscal en Italie et comporte un prélèvement de 1,06% sur la valeur du bien immobilier bien situé en France, possédé directement ou par l’intermédiaire d’une SCI. L’Italie a augmenté cet impôt de près de 40% avec la loi de finances 2024, le taux appliqué était de 0,76% entre 2011 et 2023. Cet impôt est l’équivalent de l’IMU (imposta municipale unica) mais, contrairement à ce dernier impôt qui finance les services publics communaux, les recettes liées à l’IVIE financent l’Etat italien.
Pour les biens situés dans un pays de l’UE, comme la France, le fisc italien a précisé que la valeur du bien à déclarer est celle résultant au cadastre. Cependant, la valeur cadastrale étant entendue différemment, l’Italie applique les coefficients multiplicateurs de l’IMU aux valeurs locatives cadastrales françaises, ce qui oblige le contribuable à prendre la base imposable de la taxe foncière française et à la multiplier par 160, selon l’interprétation de l’Agenzia delle entrate (circolare n°28/E del 2012), ce qui rend l’IVIE très onéreuse. En alternative, le contribuable déclare la valeur du bien immeuble résultant de d’achat ou de la succession.
Le fisc italien fait valoir que l’IVIE ouvre droit à un crédit d’impôt, correspondant au montant de la taxe foncière payée en France. Toutefois, la différence est telle entre le montant moyen de l’IVIE et de la taxe foncière que le reste à charge reste très important pour les contribuables français résidant en Italie. A titre d’exemple, un contribuable français résidant en Italie et possédant un appartement en France acheté en 2024 au prix 400.000 euros devra payer chaque année 4 240 euros avant crédit d’impôt, ce qui est considérable. En comparaison, un contribuable français redevable de l’IFI (impôt sur la fortune immobilière), possédant un patrimoine de 1 350 000 euros, soit trois supérieur à l’exemple précité, sera redevable de 2 225 euros.
De plus, l’IVIE n’est pas prévue par la convention fiscale signée entre la France et l’Italie du 5 octobre 1989. En effet, s’agissant de la France, l’article 24 b) stipule qu’un résident fiscal français est redevable de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) sur les biens situés en Italie, entrant dans sa base imposable. En revanche, aucune stipulation analogue n’est prévue pour un résident fiscal en Italie : l’article 23 prévoyant que la fortune immobilière est taxée dans le pays où elle se trouve, soit la France, et l’article 24 2), relatif à l’élimination de la double imposition, reconnaît à l’Italie un pouvoir d’imposition concurrent en matière de revenus français pour ses résidents mais aucun pouvoir d’imposition en matière de patrimoine.
Enfin, l’imposition IVIE crée une différence de traitement : en effet, un ressortissant italien, qui s’installe en France et qui est imposable à l’IFI, ne sera pas imposé à ce titre pendant 5 ans s’agissant de ses biens situés en Italie (point 11 b) du protocole de la convention fiscale). Cette mesure de tempérament a été confirmée par l’administration fiscale (BOI-INT-CVB-ITA-10-30 – point V. Imposition des personnes nouvellement résidents de France). Or, un ressortissant français qui s’installe en Italie est redevable de l’IVIE dès la 1re année au cours de laquelle il devient résident fiscal, alors que son bien immobilier situé en France est souvent une maison de famille, ou un appartement destiné à être utilisé lors de son retour, et acheté à crédit. L’IVIE ne prévoit aucun mécanisme de seuil, contrairement à l’IFI, ni aucune décote, seulement cet impôt est exigible si le montant est supérieur à 200 euros.
Je souhaiterais par conséquent savoir si le Gouvernement français entend étudier la possibilité de négocier avec l’Italie l’instauration d’un mécanisme équitable pour ses ressortissants installés en Italie, analogue à celui existant pour les ressortissants italiens qui résident en France ?
Je souhaiterais également savoir si le Gouvernement français a envisagé de renégocier la convention fiscale du 5 octobre 1989, alors que la fiscalité italienne a changé depuis l’entrée en vigueur de ce texte ?
Quelles mesures comptez-vous prendre pour une équité de traitement entre tous les contribuables placés dans des situations comparables ?