Régime matrimonial franco-allemand

Question écrite de M. Richard YUNG, Sénateur représentant les Français établis hors de France

QUESTION

M. Richard Yung interroge la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE) sur la mise en place d’un régime matrimonial franco-allemand. L’accord bilatéral l’instituant a été signé à l’occasion du 12e conseil des ministres franco-allemand, le 4 février dernier.

Cette initiative est la bienvenue car les mariages binationaux conclus entre un citoyen français et un citoyen allemand sont actuellement à l’origine de nombreuses difficultés notamment au regard des rigidités juridiques nationales – en particulier allemandes.

L’accord conclu pour une période de 10 ans devant être ratifié par la France et l’Allemagne, il souhaiterait donc connaître le calendrier et les conditions de sa ratification. En outre, il serait reconnaissant à la DFAE de bien vouloir lui préciser les modalités juridiques et pratiques de ce nouveau régime.

Enfin, d’autres États européens pouvant joindre la convention signée par la France et l’Allemagne, il aimerait également savoir dans quelle mesure ce nouveau régime pourrait constituer un début d’harmonisation des régimes matrimoniaux au sein de l’Union européenne.

REPONSE

  Sur les conditions de ratifications :

Cet accord doit être soumis au Parlement en application de l’article 53 de la Constitution.
Par conséquent, la ratification ne pourra entrer en vigueur que dans plusieurs mois.

 Sur les difficultés actuelles rencontrées par les couples franco-allemand :

La création d’un régime matrimonial commun, qui se compose, fonctionne et se liquide selon des règles identiques dans les États contractants, constitue une avancée juridique majeure pour les couples, en leur permettant d’adopter un régime matrimonial obéissant à des règles de fonctionnement et de liquidations communes afin de permettre une plus grande sécurité juridique en France comme en Allemagne.

Dès lors, le choix de ce régime par les couples n’entraînera pas les difficultés qui résultent actuellement de l’adoption du régime de la communauté réduite aux acquêts de droit français lorsque les époux acquièrent, pendant leur mariage, un bien immobilier en Allemagne. En effet dans la mesure où le régime légal français n’est pas connu en Allemagne, l’inscription au registre foncier du droit de propriété au nom des époux en communauté de biens ne permet pas aux tiers de mesurer la portée exacte des droits de chacun des époux. La solution souvent retenue en pratique et qui consiste à choisir, pour un patrimoine sis en Allemagne, un régime matrimonial allemand (art. 15, par. 2, al. 3 EGBGB) résout certes ce problème, mais oblige les époux à un régime matrimonial divisé qui peut entraîner des difficultés de calcul de la créance de participation.

Dans la mesure où le droit français et le droit allemand connaissent le régime de la participation aux acquêts (régime légal en Allemagne, régime optionnel en France), il est apparu ainsi opportun de créer, par le biais d’un accord bilatéral, un régime optionnel supplémentaire, inspiré des régimes de la participation aux acquêts existants dans chacun des deux pays, qui fonctionne selon des règles simples et modernisées, identiques en France et en Allemagne.

 Sur les modalités juridiques et pratiques de ce nouveau régime :

A. Sur le champ d’application :

Reposant sur des règles simples et modernisées, identiques en France et en Allemagne, ce régime est ouvert à tous les époux qui peuvent choisir le régime matrimonial d’un Etat contractant, même en l’absence d’élément d’extranéité. Cela est par exemple le cas, en application des règles de droit international privé française ou allemande, pour des époux :

 dont l’un ou l’autre a la nationalité française ou allemande ;
 dont l’un ou l’autre réside habituellement en France ou en Allemagne ;
 dont l’un ou l’autre établira sa première résidence habituelle en France ;
 dont l’un ou l’autre possède des biens immobiliers en France ou en Allemagne, pour ces biens immobiliers.

Le choix de ce régime n’implique pas pour les époux de choisir la loi d’un Etat contractant. Toutefois, dans certains cas, afin d’éviter toute ambiguïté, il pourra être conseillé aux époux de désigner dans leur contrat de mariage la loi applicable à leur régime matrimonial, dans la mesure où le droit international privé le permet.

Il s’agit d’un régime optionnel de participation aux acquêts, qui ne peut être choisi que par contrat de mariage. Il fonctionne comme un régime séparatiste pendant le mariage, mais à son issue, le patrimoine originaire et le patrimoine de chacun des époux sont comparés pour déterminer dans quelle mesure ils se sont enrichis ou non pendant le mariage. L’époux qui a réalisé le moins d’acquêts peut faire valoir à l’encontre de l’autre une créance de participation égale à la moitié de la différence entre les acquêts de chaque époux.

B. Sur la nature du régime :

Le régime commun est un régime optionnel de participation aux acquêts, qui ne peut être choisi que par contrat de mariage. Il fonctionne comme un régime séparatiste pendant le mariage, mais à son issue, les époux se répartissent l’écart existant entre leurs enrichissements respectifs. A la dissolution du régime, le patrimoine originaire et le patrimoine final de chaque époux sont comparés pour déterminer dans quelle mesure chacun s’est enrichi ou non pendant le mariage. L’époux qui a réalisé le moins d’acquêts peut alors faire valoir à l’encontre de l’autre une créance de participation égale à la moitié de la différence entre les acquêts de chaque époux. Il n’y a pas de participation au déficit, seulement une participation aux acquêts.

C. Sur le fonctionnement du régime :

Le régime commun fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens.
La séparation du patrimoine des époux entraîne deux conséquences.

Tout d’abord, les époux conservent l’administration, la jouissance et la libre disposition de leurs biens personnels. Par ailleurs, chacun d’eux reste seul tenu des dettes nées de son chef, avant ou pendant le mariage.

Toutefois, la séparation du patrimoine des époux n’est pas entière dans la mesure où ils ne peuvent déroger à l’application de certaines règles impératives. Dans la mesure où les règles impératives qui limitent les effets de la séparation du patrimoine des époux ne sont pas identiques en France et en Allemagne, le régime commun reprend les dispositions essentielles du régime primaire français afin de permettre au régime de fonctionner de manière identique en France et en Allemagne :

 le consentement des deux époux est nécessaire pour les actes de disposition qui concernent les objets du ménage ou les droits par lesquels est assuré le logement de la famille (article 5) ;
 les dépenses engagées par l’un des époux dans l’intérêt du ménage entraînent la solidarité automatique de l’autre (article 6).

Il convient de préciser qu’en France, les époux seront en outre soumis aux règles du régime primaire français, d’application territoriale, auxquelles le régime commun n’entend pas se substituer. Ainsi, en France, la nullité des actes passés en violation de l’article 5 devra donc être demandée en justice, conformément à l’article 215 alinéa 3 du code civil. De même, en France, l’article 219 du code civil sera applicable aux époux mariés sous le régime commun. En revanche, en France, les époux qui auront choisi le régime matrimonial commun seront exclusivement soumis à l’article 6, qui est une reprise modernisée de l’article 220 du code civil.

D. Sur la liquidation du régime :

1. La dissolution du régime

La date de la dissolution du régime est essentielle. En effet, la détermination de la créance de participation s’effectue en fonction de la composition et de la valeur du patrimoine des époux à cette date. Par exception, l’article 13 précise que cette date est avancée à la date d’introduction de la demande devant le tribunal lorsque le mariage est dissous par divorce ou par tout autre décision judiciaire.

Ce système diffère en partie de celui qui existe en France. En effet, le code civil prévoit que la détermination du montant de la créance de participation s’effectue en fonction, d’une part, de la composition du patrimoine des époux à la date de la dissolution et, d’autre part, de la valeur du patrimoine au jour de la liquidation du régime. Outre une simplification des règles de droit applicables, la détermination de la valeur du patrimoine des époux à la date de la dissolution du régime semble opportune dans la mesure où elle permet d’éviter des manœuvres dans le but de rallonger artificiellement les procédures, fondés notamment sur des motivations spéculatrices.

2. La détermination de la créance de participation

Les époux peuvent, dans le contrat de mariage, déroger aux règles qui concourent à la détermination du montant de la créance de participation (notamment les règles qui concernent la composition et l’évaluation du patrimoine).

A la dissolution du régime, l’époux qui a réalisé le moins d’acquêts pendant le régime peut faire valoir à l’encontre de son conjoint une créance de participation, égale à la moitié de la différence entre les acquêts de chacun des époux.

Sauf cas particuliers, cette créance est toutefois limitée à la moitié de la valeur du patrimoine de l’époux débiteur tel qu’il existe, après déduction des dettes, à la date de la dissolution du régime (ou à la date d’introduction de la demande au tribunal, lorsque le régime est dissous par divorce ou par une autre décision judiciaire).

La comparaison du patrimoine originaire et du patrimoine final de chaque époux permet de déterminer dans quelle mesure chaque époux s’est enrichi ou non pendant le mariage.

ORIGINE DE LA REPONSE : FAE/SAEJ/CEJ

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