Mesdames et Messieurs les Sénateurs, Messieurs les Ambassadeurs, Mesdames et Messieurs les élus, je suis heureuse de retrouver tant de visages connus et c’est bien normal, puisque passant les deux tiers de mon temps hors du territoire national, je suis évidemment souvent amenée à vous rencontrer.
Il m’a semblé intéressant, comme je l’ai déjà fait d’autres années, de pouvoir échanger avec vous sur un certain nombre de
sujets concernant la présence économique de notre pays à l’étranger, sujets sur lesquels bien sûr, beaucoup d’entre vous êtes engagés et impliqués, y compris par vos activités professionnelles. Je considère avec beaucoup d’intérêt, vous le savez, lors de nos rencontres, vos contributions, à la fois l’éclairage du Gouvernement sur ce qui se passe, ce que ressentent les Français de l’étranger pour leurs entreprises en particulier et aussi, le rayonnement que vous pouvez avoir pour nos intérêts économiques.
Le commerce international, c’est ce qui tire aujourd’hui la reprise dans le monde, la croissance française. Je voudrais le dire
avec d’autant plus de simplicité et de clarté que ce n’est pas forcément ce que beaucoup de personnes ont en tête, en tout cas en
France. Vous, vous le savez bien, que l’international tire la France ; mais ce n’est pas forcément le cas sur le territoire. Je voudrais vous dire que notre stratégie économique a un axe clair, celui de la compétitivité. Cette compétitivité est résolument conçue dans un cadre international, puisqu’elle vise à attirer les investissements étrangers sur le territoire et à pousser à l’exportation française : cela est bon pour l’emploi. Avec ces stratégies, nous souhaitons que le moteur international de la croissance française soit plus puissant, en relais et aux côtés de l’investissement privé et de la consommation.
Les résultats du premier semestre 2010 sont de ce point de vue encourageants. Je voudrais vous faire partager trois bonnes nouvelles.
La première est que la France exporte 10 % de plus que l’année précédente. Plus important dans cette première bonne nouvelle, le fait que nous soyons en ligne avec les prévisions de l’Organisation mondiale du commerce sur le commerce international en général et avec les exportations de nos principaux concurrents. Et l’Allemagne ? Bien entendu, l’Allemagne est dans une situation différente. L’Allemagne, qui a été beaucoup plus en difficultés que nous l’année dernière, est en situation nettement plus favorable cette année, du fait d’une exposition internationale plus profonde et vivace que celle de la France. Donc, première bonne nouvelle : nous profitons de la reprise ! Pour moi, le critère le plus important est celui de nos parts de marché dans le monde. Or, elles se maintiennent et ce, alors même qu’il faut bien faire de la place à de nouveaux venus, dont la
Chine – et c’est heureux –, qui est devenu le premier exportateur mondial ; nous restons un peu en dessous de 4 %.
La deuxième bonne nouvelle c’est que nous avons une meilleure progression de nos exportations vers les pays les plus
dynamiques : la Chine +30 %, le Brésil +50 %. Évidemment, nous voulons intensifier l’effort vers ces zones où la croissance est la plus forte, vers les pays émergents. En clair, dans la réforme du dispositif d’accompagnement des PME à l’international, les choses se présentent de la manière suivante : aujourd’hui, on exporte à 60 % vers l’Union européenne ; j’ai demandé à l’Équipe de France de l’export, et notamment à Ubifrance, d’accompagner à 60 % en dehors de l’Union européenne.
Troisième bonne nouvelle : le nombre d’entreprises exportatrices, qui chutait depuis 2002, non seulement a arrêté de chuter, mais a commencé à augmenter un petit peu. Nous avons à peu près rattrapé la diminution du nombre d’entreprises que nous
avions connue pendant la crise. C’est évidemment une excellente nouvelle, même si nous restons avec deux fois moins d’exportateurs que l’Italie, trois fois moins que l’Allemagne. Aujourd’hui, j’ai deux objectifs. Que les entreprises qui prospectent à l’étranger – et elles sont très nombreuses – se transforment en exportatrices. Aujourd’hui, un tiers des entreprises accompagnées finissent par être exportatrices, nous devons passer à au moins deux tiers. Et puis ces entreprises, quand elles ont exporté une fois, nous voulons qu’elles deviennent plus fidèles, puisque beaucoup de primo-exportateurs restent primo-exportateurs. Voilà pour les bonnes nouvelles.
Nous sommes également restés en situation tout à fait favorable concernant l’attractivité, autre volet de notre exposition
internationale. Il s’agit de notre capacité à attirer des investisseurs étrangers. Nous sommes restés le troisième pays mondial pour l’accueil des investissements étrangers. Vous le savez, nous sommes le deuxième pour l’investissement à l’étranger. Faire valoir les atouts de la France à l’égard d’investisseurs étrangers dans les pays traditionnels (États-Unis, pays européens), mais aussi de plus en plus dans des pays nouveaux en termes d’investissements (Chine, Brésil, pays du Golfe, Moyen-Orient) est une responsabilité extrêmement importante, à laquelle nous nous y employons avec en particulier nos bureaux de l’AFI. Une fois de plus, j’avais déjà plaidé en ce sens dans notre précédente rencontre ici, puis à chaque fois que je vous vois à l’étranger, j’attire votre attention sur la qualité des argumentaires de l’Agence française pour les investissements internationaux, qui donne de notre pays une image qui n’est pas politique ou politicienne, mais une image de ses vrais atouts, objectivement mesurés et qui
mérite d’être vraiment partagée. Encore une fois, je ne saurais que vous encourager à aller sur le site AFI et à partager avec vos
interlocuteurs étrangers, cette image de la France telle que nous avons tous intérêt, quelles que soient nos options politiques, à
la faire valoir.
Je vais dire quand même un mot du déficit du commerce extérieur, parce qu’il n’est que la partie émergée de l’iceberg de ce
qui se passe, mais bien entendu, c’est une donnée que beaucoup de gens regardent. Il a été marqué, au premier semestre, par le fait que la facture énergétique est plus chère, pour deux raisons : le pétrole est plus cher et s’est exprimé en dollars. Nous avons donc un effet direct de la reprise et de l’évolution de l’euro sur le coût de la facture énergétique exprimée en dollars. Nous avons un effet plus différé, nous disent les spécialistes, de l’évolution de l’euro en termes de compétitivité/prix de nos exportations.
Les bonnes nouvelles dont j’ai parlé, nous espérons qu’elles vont continuer dans les prochains mois. À vrai dire, il n’y a pas de raisons précises pour lesquelles il pourrait en être autrement.
Aujourd’hui, l’évolution de commerce extérieur doit répondre à trois enjeux principaux : mieux s’adapter à la nouvelle géographie mondiale (réorientation vers les pays émergents et vers l’Afrique) ; un défi sectoriel : les champions de l’exportation sont l’aéronautique et la pharmacie, l’agroalimentaire. Nous voulons mettre l’accent sur les entreprises les plus innovantes qui, d’une part, ont une proportion dix fois supérieure aux autres à exporter, et qui d’autre part, peuvent le mieux se positionner dans des niches sur lesquelles nous pouvons avoir des avantages compétitifs. Ce sont également les entreprises
innovantes qui sont le mieux à même de passer des partenariats avec un certain nombre d’acteurs étrangers et de jouer à la fois exportations, investissements, investissements sur place à l’étranger et attractions de partenaires étrangers sur le territoire français. De ce point de vue-là, le secteur « green » dans toutes ses dimensions (énergie, nouvelles technologies ou plus anciennes qui se verdissent) est évidemment un secteur particulier d’innovation et donc de compétitivité et d’attractivité.
Comme vous vous en doutez, les défis extérieurs se gagnent surtout à l’intérieur, par les différentes politiques que nous
mettons en place pour renforcer notre compétitivité. J’attire votre attention sur le principal outil de notre politique de commerce extérieur : le crédit impôt-recherche. Il intéresse les grandes entreprises comme les petites. Il intéresse les entreprises internationales qui savent bien que c’est le meilleur de tout l’OCDE ; des entreprises françaises qui y trouvent le moyen de booster leur compétitivité. C’est pour moi le principal outil et aussi le principal symbole de la manière dont nous voulons définir nos enjeux d’avenir.
Puisque vous les voyez à l’oeuvre, vous savez qu’à la suite de Christine LAGARDE, qui a appuyé ma position les années précédentes, j’ai restructuré en profondeur ce que nous appelons désormais « l’Équipe de France de l’exportation », avec en particulier le rôle pivot d’Ubifrance et avec, vous l’avez vu autour de vous et certains d’entre vous l’ont vécu, une relance du rôle des conseillers du commerce extérieur de la France, dont le référent vice-président du Conseil national des conseillers du commerce extérieur est ici présent. Cette relance de leur rôle s’articule sur la notion d’engagement, en particulier autour des objectifs d’accompagnement des PME et des jeunes, notamment des volontaires internationaux en entreprises et à l’étranger.
Cette Équipe de France de l’export est, je le crois, dans l’ensemble, marquée par un esprit de coopération et en tout cas, je
souhaite et je me permets d’espérer de votre part que vous soyez parmi les acteurs coopératifs qui, lorsqu’il y a lieu, lorsque vous pouvez être impliqués d’une manière ou d’une autre dans certains mécanismes d’ajustement, entre par exemple Ubifrance, les chambres de commerce ou les conseillers, soyez capables de jouer un rôle apaisant et coopératif. D’ailleurs, partout dans le monde, je constate que cela se passe en général très bien.
Nous souhaitons aussi que les sujets de coopération technique, les questions éducatives, les relations avec les universités,
les échanges d’étudiants, etc., constituent en quelque sorte l’écosystème dans lequel nous pourrons développer nos intérêts
économiques et les partenariats dont vous m’avez entendu parler à plusieurs reprises. Tout ceci, bien sûr, avec la relation
investissements/commerce.
Je terminerai par une autre relation qui m’importe beaucoup, qui est la relation entre les sujets de commerce extérieur au sens classique et les sujets de développement. En Afrique, mais pas simplement, dans un certain nombre d’autres régions du monde également, de plus en plus, nous souhaitons faire travailler l’AFD, bien entendu dans le total respect de ses engagements du point de vue de l’aide non liée, de manière plus transparente, à l’égard des entreprises françaises, pour qu’elles puissent avoir un accès encore plus simple, plus facile, aux financements multilatéraux et a fortiori, aux financements dans lesquels l’Agence française de développement est impliquée. Puisque je parle de développement, j’attire votre attention sur un point pour moi très important de la manière dont le Président de la République a souhaité animer le sommet Afrique-France au printemps dernier. Cela concerne le thème de la responsabilité sociale et environnementale. Nous avons clairement comme projet français – et il peut être partagé par tous – que la mondialisation, le commerce, le rôle de nos entreprises, qui va de pair avec le rôle de nos ONG et de nos diplomates a pour objet de tirer la mondialisation vers le haut. De ce point de vue-là, nos entreprises ont adhéré à une charte de la responsabilité sociale et environnementale, qui concerne essentiellement l’Afrique, mais qui pourrait concerner d’autres lieux, qui vise à ce que l’on tire vers le haut. Encore une fois, il ne s’agit pas, notamment vis-à-vis de la Chine, qui est le nouvel acteur mondial
majeur, d’aller vers le bas et de courir vers toutes sortes de dumpings, qu’ils soient sociaux, environnementaux ou monétaires. Il s’agit au contraire, d’essayer de faire, pour nos entreprises et pour notre pays, dans le dialogue mondial et en l’occurrence, le dialogue économique, de la responsabilité sociale et environnementale en quelque sorte un atout de compétitivité. C’est comme cela que nous le concevons.
Voilà ce que je voulais vous dire. Vous aviez attiré mon attention, dans certains pays, et ici même, sur l’assurance prospection pour les Français de l’étranger. Elle a été mise en place dans un certain nombre de pays. Je dois vous dire honnêtement que là où elle existe, elle connaît un certain succès, mais enfin, cela ne représente tout de même que quelques unités. J’ai très peu de cas finalement. Peut-être pourrait-on en faire un peu plus de publicité ?
À la demande de représentants français dans plusieurs pays, en particulier de l’ASEAN, à commencer par la Thaïlande,
mais aussi Singapour, je suis en train de réfléchir aux moyens avec lesquels nous pourrions accompagner les entreprises françaises crées par des Français à l’étranger, même si elles ne sont pas filiales ou appartenant aux réseaux de grands groupes français. Il y a là sans doute une manière d’accompagner aussi les efforts de nos compatriotes, même si cela est un peu difficile à monter, du point de vue financier en particulier, parce qu’il est légitime que la majorité des aides profite à ce qui permet de créer des emplois sur le territoire national. Sachez que j’ai en tête – et plusieurs d’entre vous avez attiré mon attention sur ce point – d’essayer de trouver des
mécanismes pour les entreprises françaises de l’étranger.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire en ouverture de notre dialogue. Nous sommes dans des démarches très réalistes. Nous savons bien que la situation de crise ne sera pas derrière nous, tant que le chômage sera encore là. Mais, nous savons aussi que la dimension internationale de notre économie est plus que jamais importante. Nous aurons d’ailleurs, dans le cadre de notre présidence du G20, à bien créer les liens entre les sujets financiers, qui sont en première ligne dans le G20 et les sujets commerciaux, qui sont si importants pour la vie quotidienne des Français de l’étranger, mais aussi pour la prospérité de notre pays en interne.
Merci beaucoup. (Applaudissements).