Publié le 20/05/2011

Intervention de M. Yves LE BRETON, Chef de service, Adjoint au Directeur de la Modernisation et de l’action territoriale à l’administration centrale du Ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration

Intervention de M. Yves LE BRETON, Chef de service, Adjoint au Directeur (...)

M. M. Yves LE BRETON, Chef de service, Adjoint au Directeur de la Modernisation et de l’action territoriale à l’administration centrale du Ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration s’est adressé à l’Assemblée des Français de l’étranger le 20 mai 2011 sur le thème de la préparation des élections 2012. L’intégralité de ses propos est reproduite ci dessous.

M. Jean-Yves Leconte, vice-président de l’AFE, entouré de M. Yves Lebreton et de M. Georges-Francis Seingry

Bonjour à toutes et à tous.

Je salue évidemment les membres du Parlement qui sont dans cette salle, les membres de l’AFE. Je suis très heureux de pouvoir répondre à cette invitation pour vous présenter l’économie du dispositif que nous sommes en train de mettre en place dans la perspective des élections législatives de 2012. Je le ferai en tant que représentant du ministère de l’Intérieur, puisque mon poste concerne la direction de modernisation et de l’action territoriale. Donc, au-delà des fonctions d’adjoint, j’assure entre autres le pilotage du secteur électoral. C’est donc en tant que responsable du droit commun et de la norme que je m’adresserai aujourd’hui à vous, pour vous présenter un dispositif qui, évidemment, est appelé à s’inscrire dans un processus national d’organisation des élections législatives, tout en tenant compte des spécificités liées à l’organisation particulière concernant ces 11 députés représentant les Français de l’étranger.

Tout d’abord, au cours d’un exposé, je vous propose de vous présenter le dispositif. Ensuite, je répondrai à vos questions – si jamais vous en aviez, mais je le pense. Je vous présenterai ce dispositif en trois parties. D’abord, le cadre juridique, tel qu’il vient d’être fixé, notamment par le « Paquet électoral », c’est-à-dire les lois du 14 avril dernier. Vous dire où nous en sommes des travaux d’application, notamment au plan règlementaire, de ces dispositions législatives et partager avec vous les enjeux ou les défis qui se présentent à nous dans la perspective de 2012.

Je serai assez bref, parce que je pense que la plupart d’entre vous ont une vision assez claire du cadre juridique, mais quelques mots de ce dernier, dans lequel se dérouleront les prochaines élections législatives pour l’élection des députés représentant les Français de l’étranger. Le droit applicable est désormais adopté au plan législatif, avec quelques mots pour vous expliquer ce que nous avons aujourd’hui en tant que corpus législatif. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a notamment modifié l’article 24 de la Constitution, en disposant désormais que les Français établis hors de France sont représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat. L’élection de députés dans 11 circonscriptions situées à l’étranger se situe bien entendu dans la conception française traditionnelle de la souveraineté et de la représentation de la Nation. Cette représentation nouvelle permettra de prendre en compte, dans les débats parlementaires, à l’Assemblée nationale, comme cela a été le cas au Sénat, de prendre en compte les réalités vécues par nos compatriotes résidant à l’étranger. Cette innovation constitutionnelle a été ensuite traduite dans le droit électoral par deux ordonnances : l’une du 29 juillet 2009, qui introduisait dans le Code électoral, les articles L 330 à L 330-16 contenant les dispositions spécifiques aux députés élus par les Français établis hors de France ; l’ordonnance délimitant les 11 circonscriptions électorales des Français établis hors de France. Ces deux ordonnances ont été ratifiées par le Parlement, respectivement par les lois du 23 février 2010 pour ce qui concerne le périmètre des circonscriptions électorales, lois validées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 février 2010 et par la loi du 14 avril 2011, pour ce qui concerne les dispositions du Code électoral régissant les élections des députés représentant les Français établis hors de France, adoptée dans ce que l’on a appelé le « paquet électoral », ensemble de trois lois traitant de divers sujets relatifs au Code électoral.

En quelques mois, le législateur a traduit sur le plan juridique, une réforme constitutionnelle tout à fait majeure. Les modalités d’élection des députés des Français établis hors de France présentent des adaptations par rapport au droit électoral commun, mais restent bien entendu dans le cadre général qui est fixé pour les élections législatives. Ces ajustements sont justifiés par les particularités d’une campagne électorale qui va se dérouler à l’étranger et dans des circonscriptions de taille considérable. Lorsqu’on regarde les contours des 11 circonscriptions qui ont été créées, on voit bien que la part des particularités géographiques est tout à fait considérable. L’exemple régulièrement cité est celui de la onzième circonscription, qui obligera les candidats à mener une campagne de Moscou à Sydney.

C’est la raison pour laquelle le dispositif a été assez largement adapté par rapport au droit commun. Sans être trop long, je voudrais souligner quelques points particuliers qui relèvent de ces adaptations. Parlons d’abord des modalités de vote. Afin de tenir compte des contraintes particulières que rencontrent les Français de l’étranger, il a été décidé d’ouvrir très largement les possibilités de vote, par rapport à ce qui se pratique aujourd’hui en métropole et en Outre-mer. Il sera donc possible de voter par procuration dans des conditions plus extensives qu’en France métropolitaine ou d’Outre-mer, puisqu’un même mandataire pourra recevoir jusqu’à trois procurations contre une seule en France. Il sera également possible de voter sous forme électronique, par Internet, dans les pays où cela est possible, c’est-à-dire qui n’interdisent pas les communications chiffrées ; il sera également possible de voter par correspondance sous pli fermé ; ensuite évidemment, de voter à l’urne, dans l’un des 731 bureaux de vote ouverts à l’initiative du réseau diplomatique et consulaire français. C’est un ensemble de modalités de vote dont plusieurs ne sont pas disponibles actuellement pour les électeurs de France métropolitaine ou d’Outre-mer.

S’agissant du vote électronique, qui est évidemment une innovation tout à fait majeure dans le nouveau dispositif qui sera mis en place en 2012, il est prévu, comme vous avez pu le constater à la lecture du projet de décret auquel faisait allusion le Président, tout de suite. Ce projet prévoit que vous puissiez élire trois membres titulaires et trois remplaçants qui siègeront au sein du bureau de vote électronique, qui sera précédé par un magistrat administratif issu du Conseil d’État. Le vote électronique notamment est pour nous, avec nos collègues du Quai d’Orsay, un objectif majeur et, dans un contexte budgétaire dont je ne vous cache pas qu’il est contraint, nous mettons en place les moyens pour faire en sorte que ce vote électronique soit le plus attractif et le plus efficace possible, dans le respect des grands principes issus de l’article 3 de notre Constitution, notamment concernant la sincérité du vote.

Quelques mots des règles de financement. Les règles de droit commun servent de base pour l’encadrement des dépenses de campagne et pour la propagande électorale. Cependant, des éléments de souplesse particulièrement notables ont été introduits pour cette campagne électorale spécifique, dans le Code électoral, notamment plusieurs adaptations ou éléments de souplesse qui ont été introduits au cours de la discussion parlementaire à laquelle les Sénateurs représentant les Français de l’étranger ont notamment pris part de manière particulièrement active. Je souhaite les en remercier.

Premier élément de souplesse : la possibilité, pour le mandataire financier, de désigner une personne par pays de la circonscription, chargée de régler des dépenses qui seront ultérieurement remboursées par le mandataire. Cette disposition particulièrement judicieuse évitera au candidat de devoir systématiquement voyager avec son mandataire financier. Elle est reprise à l’article L 330-6-1 du Code électoral.

Certaines personnes désignées par le mandataire financier pourront ouvrir un compte spécial dans les pays où la monnaie n’est pas convertible, dans les pays où les transferts en France sont impossibles ou dans ceux où existe un contrôle des changes faisant obstacle en tout ou partie aux transferts nécessaires aux dépenses électorales. Toutes les informations relatives à ces comptes spéciaux seront annexées aux comptes de campagne et transmises à la commission nationale des comptes de campagne et du financement de la vie politique.

Pour tenir compte de la particularité de la campagne électorale à l’étranger, les frais de transport exposés par le candidat à l’intérieur de la circonscription ne seront pas inclus dans le plafond des dépenses, en application de l’article L 330-9 du Code électoral. À l’instar de ce qui existe déjà pour les élections de Polynésie française, où cette contrainte de déplacement se pose d’ores et déjà, le même article prévoit un remboursement par l’État de ces frais de transport, via un remboursement forfaitaire dont les plafonds seront fixés par zone géographique, dans le cadre d’un arrêté qui est en cours de préparation. Je sais également, pour avoir suivi de manière attentive les débats parlementaires, que la date fixée pour arrêter le taux de change entre l’euro et les différentes devises, pour la conversion des différentes dépenses électorales a fait l’objet de débat. Le Gouvernement a proposé d’amender le Code électoral, pour remplacer la date du 1er janvier par le premier jour du douzième mois précédant l’élection, afin que les candidats puissent connaitre très en amont le taux de change applicable à leurs dépenses électorales, qui doit être tracé dans l’année qui précède l’élection. La sécurité juridique des candidats impose en effet une telle disposition. À défaut, un candidat ayant engagé de nombreuses dépenses assez tôt dans la campagne, pourrait se trouver dans une situation assez paradoxale, en fin de campagne, d’un dépassement du plafond synonyme d’inéligibilité, en raison d’une forte dépréciation de l’euro, par rapport à la monnaie locale, à quelques semaines du scrutin. Le système retenu par le législateur permet au candidat de calculer au jour le jour ses dépenses et d’être certain de ce qu’il a déjà engagé.

Enfin, je signale que les candidats pour ces élections législatives disposeront de presque quatre mois pour déposer leurs comptes de campagne auprès de la commission, contre deux mois pour les candidats en métropole et Outre-mer, ce qui laissera à ces candidats et à leurs mandataires financiers, le temps suffisant pour récupérer toutes les pièces justificatives et consolider leurs différents comptes.

Quelques mots du déroulement de la campagne tel qu’il est prévu par les textes en vigueur. La loi du 14 avril 2011 dispose, à la suite de l’adoption d’un amendement parlementaire, que pendant la durée de la campagne électorale et sous réserve des nécessités de service, l’État met à disposition ses locaux diplomatiques, consulaires, culturels et scolaires, à disposition des candidats qui en font la demande, pour la tenue des réunions électorales.

Cette première partie, relative au cadre juridique tel qu’il est désormais disponible, à la suite de l’adoption de la loi du 14 avril 2011, ce cadre ayant été tracé, je vous propose maintenant d’aborder ce qui relève du pouvoir réglementaire et de faire le point sur les travaux qui sont actuellement menés entre le ministère de l’Intérieur et le ministère des Affaires étrangères, pour mettre en œuvre ce nouveau dispositif législatif. Pour vous indiquer que nous avons déjà travaillé activement sur ces différents sujets, mais qu’il reste encore à faire, pour que les élections de l’année prochaine se déroulent dans les meilleures conditions possibles.

Pour ce qui concerne le ministère que je représente, nous avons deux types de chantiers à achever. Un chantier normatif, avec un ensemble de textes réglementaires qui restent à promulguer ; l’autre grand chantier étant la mise en œuvre du vote électronique, dont je souligne à nouveau à la fois l’innovation et les difficultés pratiques qu’il soulève. Sur le plan normatif, un certain nombre de textes restent à prendre. Il nous reste à compléter le dispositif législatif par plusieurs mesures réglementaires d’application. Nous avons souhaité le faire le plus rapidement possible, dans la foulée de l’adoption de la loi du 14 avril 2011. Des réunions interministérielles se sont déjà tenues à Matignon pour valider un certain nombre de textes, notamment le projet de décret qui a été soumis à votre Assemblée, texte qui a été transmis au Conseil d’État dès le 3 mai pour examen, puisque c’est un décret qui relève de la vie du Conseil d’État. Le texte en question, notamment sur sa partie vote électronique, a été également transmis à la Commission nationale informatique et libertés, la CNIL, puisqu’elle est compétente pour donner un avis sur la question. Notre objectif est que ce décret puisse être pris d’ici la mi-juin au plus tard, notamment pour tenir compte du délai que demandera la CNIL pour rendre son avis. Au-delà de ce décret, nous avons identifié au moins deux arrêtés complémentaires à prendre : un arrêté établissant la liste des pays dans lequel l’ouverture d’un compte spécial est autorisée ; un autre définissant les plafonds de dépense pour le remboursement forfaitaire des frais de transport des candidats. Sur ce dernier point, nous sommes actuellement en train de travailler avec le ministère des Affaires étrangères, pour définir un mode de calcul qui prenne en compte à la fois le coût des transports dans la circonscription, le nombre d’électeurs, mais aussi les distances à parcourir. Cet arrêté sera publié logiquement dans la foulée du décret d’application que j’ai mentionné. Au-delà de ce chantier normatif à définitivement parachever, nous avons également à mettre en place le vote électronique, que vous avez pu expérimenter au travers des élections propres à l’AFE, mais qui est une innovation complète pour ce qui concerne une élection nationale comme l’élection législative. C’est pour nous évidemment quelque chose de nouveau, donc qui soulève un certain nombre de difficultés. Nous profitons pleinement de l’expérience du ministère des Affaires étrangères et de la DFAE, sous l’autorité de son directeur, avec le concours de Madame SOUPISON et de son équipe, pour pouvoir ensemble construire un vote électronique qui réponde parfaitement aux objectifs qu’on lui a fixés.

Aujourd’hui, ce qu’il nous reste à faire, c’est d’abord obtenir la validation de la CNIL sur le dispositif proposé. A priori, c’est plutôt en bonne voie grâce à des contacts qui ont été noués très en amont avec cette commission, pour lui expliquer en quoi consistait le dispositif tel que nous l’envisagions. Il nous reste également à mettre au point avec les prestataires techniques, la machine de vote en elle-même. Il nous faut tester cette machine de vote avant la fin de l’année 2011 et enfin, faire homologuer l’ensemble de la procédure, afin de respecter le référentiel de sécurité applicable à toutes les applications informatiques de l’État, sous l’égide d’une agence placée auprès du Premier ministre, l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information.

Avec ces différentes étapes et en respectant ces différentes procédures, notre objectif est bien de déboucher sur un système qui concilie à la fois les différents impératifs de sécurité, qui sont particulièrement importants dans un système comme celui-là, de confidentialité, pour que les lecteurs se sentent pleinement confiants dans la modalité de vote nouvelle qui lui est proposée et d’accessibilité par rapport à l’enjeu de participation.

Nous avons un corpus législatif désormais complet. Le corpus normatif d’application est en cours d’achèvement. Le vote électronique se prépare. Tout cela doit pouvoir être cadré dans la perspective des enjeux ou des défis que nous avons à relever collectivement. C’est là-dessus que je voudrais terminer cette intervention, pour parler de ce qui nous préoccupe ou des défis tels que nous voyons, les anticipons, pour le parfait déroulement de ces élections législatives de 2012.

Le premier enjeu auquel nous sommes collectivement confrontés et c’est pour cela que je suis particulièrement heureux aujourd’hui de pouvoir m’exprimer devant toute votre Assemblée, parce que c’est une responsabilité que nous partageons ensemble. Ce premier enjeu est celui de la participation électorale. Traditionnellement – et je ne pense pas dévoiler un secret en le disant devant vous – la participation des Français de l’étranger est moindre que celle des Français de métropole ou d’Outre-mer. Sur beaucoup d’élections, on est dans un rapport de 1 à 2 et donc, cette donnée du système doit pouvoir évoluer dans le cadre de la mise en place de ces nouvelles circonscriptions législatives : 11 députés élus par les Français de l’étranger sur 777 qui sont siéger à l’Assemblée nationale. C’est donc un effectif important. Et par ailleurs, des efforts qui sont consentis pour pouvoir offrir une palette de modalités de vote qui soit la plus large possible et qui permette la meilleure participation possible. Des campagnes de communication à l’initiative de l’administration sont d’ores et déjà envisagées, parce qu’évidemment, il faut pouvoir informer et convaincre les lecteurs de la nécessité et l’impératif d’aller voter. Mais aussi, je suis particulièrement heureux de pouvoir vous le dire aujourd’hui, chacun, à son niveau, peut faire en sorte de faire progresser cette participation, qui sera vraiment un enjeu clé de ce compartiment particulier de l’élection législative de 2012.

Le deuxième enjeu auquel nous sommes confrontés, je l’ai abordé au travers des différents points que j’ai pu vous présenter, c’est pour nous un enjeu d’organisation. L’enregistrement des candidatures, l’envoi de la propagande, la remontée des résultats seront autant de procédures administratives complexes – pour le coup, je pense que le ministère de l’Intérieur peut se prévaloir d’une certaine expérience dans l’organisation des élections – qui devront être gérées de manière conjointe avec nos collègues du ministère des Affaires étrangères, quelques semaines seulement après l’élection présidentielle, qui nous aura énormément mobilisés, sous l’œil vigilant du Conseil constitutionnel, qui est le juge des élections législatives. Donc pour nous, des enjeux d’organisation qui sont assez fondamentaux.

Voilà, Monsieur le Président, l’exposé liminaire que je pouvais faire, en vous redisant à nouveau l’honneur qui était le mien de m’exprimer devant cette Assemblée. En vous disant également et en vous confirmant toute la mobilisation qui est celle des services du ministère de l’Intérieur sur les sujets que je viens d’aborder et la parfaite collaboration que nous entretenons, très régulière et très étroite, avec nos collègues du Quai d’Orsay.

En matière électorale, vous le savez, l’administration n’a pas une obligation de moyens, mais bien une obligation de réussite. C’est en tout cas celle que nous nous fixons à chaque échéance électorale. Pour réussir, nous avons besoin de la contribution de tous ceux qui sont appelés à intervenir dans cette élection, qu’ils soient fonctionnaires, élus, électeurs, afin que 2012 soit pour les Français de l’étranger, comme pour tous les autres citoyens électeurs, un grand moment de choix démocratique auquel nous sommes bien entendu particulièrement attachés.

Merci, Monsieur le Président.