Alexandre BEZARDIN
Publié le 23/03/2015

Alexandre BEZARDIN

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Prélèvements Sociaux CSG – CRDS pour les non-résidents fiscaux sur les revenus du patrimoine

Session de mars 2015 - Question d’actualité n°2 de M. Alexandre BEZARDIN, conseiller consulaire (Italie) et conseiller à l’AFE (Europe du Sud)

Dans le cadre du Projet de Loi de Finances rectificative 2012 (juillet 2012), le Gouvernement a introduit de nouveaux prélèvements sociaux (CSG – CRDS) sur les revenus immobiliers des Français non-résidents :

Sont concernés par ce régime :

  • les revenus tirés de la location d’immeubles détenus en direct
  • les revenus provenant de sociétés à prépondérance immobilière, fiscalement transparentes, dont plus de 50% des actifs sont constitués d’immeubles situés en France.

Les ménages concernés :

  • des investisseurs étrangers sans lien particulier avec la France,
  • des expatriés (personnes actives ou retraités installés à l’étranger) ayant conservé leurs biens immobiliers en France,
  • des frontaliers habitant un pays limitrophe, travaillant en France, affiliés à la sécurité sociale française et disposant d’une résidence secondaire ou d’un bien mis en location en France,
  • des personnes qui s’inscrivent dans une démarche d’optimisation fiscale (séjour de moins de six mois en France).

Comme nous le savons, la double imposition est contraire au principe européen de libre circulation, par conséquent la France ne peut, unilatéralement, décider du prélèvement de la CSG et de la CRDS sur les revenus du patrimoine aux personnes physiques non domiciliées fiscalement en France et qui sont soumises à la législation de sécurité sociale d’un autre Etat-membre de l’Union Européenne.

C’est pourquoi, La Commission Européenne n’a pas hésité à ouvrir une procédure d’infraction contre la France.

Parallèlement, le Conseil d’Etat a saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne (C.J.U.E) le 29 novembre 2013 (recours 623/13) afin de l’interroger sur le règlement CEE n° 1408/71 concernant les prélèvements sociaux.

En date du 26 Février 2015, La Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu sa décision (Affaire C-623/13), dans laquelle elle précise que les revenus du patrimoine des résidents français qui travaillent dans un autre État membre ne peuvent pas être soumis aux contributions sociales françaises.

Comme le prévoit le renvoi préjudiciel, il permet aux juridictions des États membres, dans le cadre d’un litige dont elles sont saisies, d’interroger la Cour sur l’interprétation du droit de l’Union ou sur la validité d’un acte de l’Union. La Cour ne tranche pas le litige national. Il appartient à la juridiction nationale de résoudre l’affaire.
C’est pourquoi, le Conseil d’Etat devrait rendre bientôt sa décision, qui pourrait se traduire par l’abrogation de cette mesure.

1. Je souhaiterais connaitre la position du gouvernement en la matière et savoir s’il entend répondre favorablement à cette décision en appliquant le droit communautaire.

En outre, la décision de la C.J.U.E. pourrait aussi contraindre l’Etat Français à rembourser les Français de l’Etranger qui auraient lancé des procédures de réclamation.

2. Je souhaiterais que le Gouvernement puisse nous indiquer les différentes procédures de réclamation qui peuvent être introduites par les Français de l’Etranger.

Enfin, de nombreux Français de l’Etranger ont d’ores et déjà entrepris des démarches à ce sujet auprès de leur centre d’impôts, qui leur a indiqué de transférer leur contestation au Tribunal Administratif de Montreuil. Or ce même tribunal a signalé, dans le cadre de cette affaire, que les Français de l’étranger devaient élire domicile dans le département de Seine-Saint-Denis pour que leur requête soit recevable ! Ce qui est bien évidemment fort difficile.

3. Je souhaiterais connaitre l’avis du Gouvernement à ce sujet.

En application des dispositions de l’article 29 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, les personnes physiques, domiciliées fiscalement hors de France au sens de l’article 4 B du code général des impôts (CGI), sont assujetties aux prélèvements sociaux à raison de leurs revenus immobiliers de source française (revenus fonciers et plus-values immobilières). Ces dispositions s’appliquent aux revenus fonciers perçus depuis le 1er janvier 2012 et aux plus-values immobilières réalisées depuis le 17 août 2012.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat a soumis à la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) une question préjudicielle sur le point de savoir si les contributions et prélèvements sociaux, du seul fait qu’ils sont spécifiquement affectés au financement de la sécurité sociale, entrent dans le champ d’application du règlement n° 1408/71 même lorsqu’ils sont assis sur des revenus qui ne sont pas liés à l’exercice d’une activité professionnelle, au cas particulier sur des revenus du patrimoine.

Dans son arrêt « de RUYTER » du 26 février 2015, la CJUE a jugé que les contributions et prélèvements sociaux prélevés sur des revenus patrimoniaux relèvent du champ d’application de la réglementation européenne en matière de sécurité sociale et que par conséquent, de la même manière que lorsqu’ils sont prélevés sur des revenus d’activité et de remplacement, la conformité de ces contributions et prélèvements au Droit européen suppose que seules y soient assujetties des personnes relevant de la sécurité sociale en France au sens dudit règlement.

Il convient de rappeler que le Conseil d’Etat n’a pas encore rendu sa décision suite à la réponse de la CJUE et le Gouvernement attend celle-ci avant de définir, au vu des termes de cette décision, les procédures à mettre en place quant à la gestion des litiges en cours.

A ce stade, la direction générale des finances publiques et la direction de la sécurité sociale travaillent ensemble afin de tirer toutes les conséquences, pour le passé, des décisions de justice qui vont être rendues, afin de s’assurer, pour l’avenir, que notre droit est compatible avec le droit de l’Union européenne.

Le Gouvernement entend agir rapidement mais sur la base de l’expertise approfondie que ces sujets méritent. Il a le souci de mettre en place, pour la gestion des réclamations en cours, des procédures simples et efficaces qui permettront de faire application de la décision que rendra le Conseil d’Etat. Il fera également des propositions pour adapter notre Droit. Cette décision, qui ne porte pas sur un cas d’espèce identique à celui évoqué dans la question a été rendue dans des termes généraux.

Origine de la réponse : Ministère des finances et des comptes publics, direction de la législation fiscale