Publié le 10/09/2010

Intervention de Mme Nathalie Ancel, Sous-directrice de la protection des droits des personnes

Intervention de Mme Nathalie Ancel, Sous-directrice de la protection des (...)

La sous-direction de la protection des droits des personnes est chargée de la coopération internationale en droit de la famille et des questions relatives à la mise en œuvre de la protection consulaire des détenus. Elle intervient, en liaison avec les administrations concernées et les postes diplomatiques et consulaires, afin de préserver les droits des mineurs et des familles en matière, notamment, d’atteintes aux personnes, de déplacements illicites d’enfants, de mariages forcés et de créances alimentaires. Elle participe à la négociation des instruments d’entraide en droit de la famille et en suit l’application. Elle veille à l’exercice de la protection consulaire des Français détenus à l’étranger et à garantir les conditions d’exercice de la mission de protection consulaire des postes diplomatiques et consulaires étrangers vis-à-vis de leurs ressortissants détenus en France.

Merci, Monsieur le Président.

Mesdames et Messieurs, je suis très heureuse et très honorée de pouvoir m’exprimer devant vous – c’est la première fois – et d’une certaine manière par votre intermédiaire aux Français de l’étranger que vous représentez et de vous présenter l’activité de la sous-direction de la protection des droits des personnes. La sous-direction de la protection des droits des personnes est de création récente. Dans sa configuration actuelle, elle existe depuis le 22 mars 2009. Elle a été créée pour répondre à un double objectif : rationaliser et assurer une meilleure lisibilité des missions de protection consulaire aux ressortissants Français connaissant des difficultés de nature juridique à l’étranger La mission de cette sous-direction est d’oeuvrer, d’une certaine manière et totalement, pour la sécurité juridique des Français à l’étranger. Il s’agit d’une mission exigeante qui consiste à prendre en charge, dans la limite des compétences et des moyens dévolus, mais aussi et surtout dans la limite des lois et des règlements applicables, le sort des Français à l’étranger au coeur de situations juridiquement complexes et humainement délicates. Il s’agit pour nous, pour la sous-direction, de traiter, en lien avec nos postes, les autorités locales et les autorités publiques françaises, des situations de crise juridique et donc, des situations évidemment de détresse humaine. Ces situations recouvrent des réalités très diverses, mais ont pour point commun d’être des situations extrêmement tendues, extrêmement conflictuelles, nous pourrions dire paroxystiques, pour lesquelles, d’ailleurs, les autorités judiciaires compétentes peinent à trouver des solutions. Ce sont des situations bloquées où se heurtent,
s’entrechoquent, des décisions civiles, des décisions pénales, des décisions nationales, des décisions étrangères. Ce sont aussi
des situations de rapports de force quasi irrationnels entre individus qui ne parviennent plus, pas, ou pas assez à dialoguer, qui
tentent d’infléchir, de travestir la réalité des faits ou de donner une perception subjective, leur perception de la réalité des faits
ou de s’affranchir totalement de la règle de droit et imposer la voie de fait ; voie de fait que la personne va essayer de faire devenir la règle en la faisant valider par les juridictions locales. Je pense notamment à la situation de déplacements illicites d’enfants. Cette voie de fait là va parfois donner lieu à des décisions étrangères qui confortent la voie de fait. Ce sont donc des situations de crises familiales graves, de maltraitance, de déplacements illicites d’enfants, de mises en danger physique ou morale de mineurs. Souvent, le Français que nous devons protéger est en fait un mineur et dispose souvent aussi de la double
nationalité, car né d’un couple mixte. Il sera donc considéré à l’étranger comme un national.

Une mission exigeante et une mission de protection consulaire. Dans l’ensemble des secteurs concernés, en effet, l’action de la sous-direction tire son fondement de la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires. À ce titre, nous ne pouvons en aucun cas interférer dans les cours de la justice ou nous substituer aux autorités publiques locales dans le traitement du litige. Notre rôle est celui d’appui et du soutien, de l’alerte des autorités compétentes, de l’information, de l’orientation, mais ensuite, c’est le relais des autorités compétentes. Notre aide est d’essayer de diagnostiquer la situation, de rétablir du rationnel et de guider vers la solution. Nous outils sont résolument consulaires : des visites consulaires, des enquêtes sociales et l’outil de la médiation.

La sous-direction de la protection des droits des personnes est constituée par une équipe de moins de 15 personnes répartie
en trois secteurs d’activité, vous le savez : un secteur dit de la protection des mineurs et de la famille, un secteur qui s’occupe plus particulièrement de la protection consulaire des détenus, et un secteur qui s’occupe du recouvrement international des créances alimentaires. Je voudrais insister sur l’idée de dire qu’il ne s’agit pas d’une association de secteurs disparates, mais un tout cohérent qui vise à garantir, dans le cadre de la protection consulaire, les droits individuels et personnels de Français à l’étranger ; pour un enfant, le droit à l’égal accès à ses deux parents, le droit à son intégrité physique et psychique, le droit à être mis à l’abri du danger physique ou mental, le droit à recouvrer une créance alimentaire lorsque celle-ci résulte d’une décision judiciaire définitive d’un titre exécutoire, le droit à avoir des conditions normales de détention lorsque l’on est détenu,
le droit d’avoir accès à un avocat, etc.

Elle oeuvre, certes de manière humaine et sociale, mais aussi – c’est le substrat important – pour le respect des droits fondamentaux des personnes, tels que reconnus par les principes généraux du droit et par les engagements internationaux de la France. Notamment, la notion de l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas une notion de circonstance et uniquement un souci strictement humanitaire, mais cela répond véritablement aux engagements internationaux de la France. C’est un principe primordial qui doit être pris en considération lorsque l’on analyse des situations où des enfants sont en jeu.
La compréhension des problématiques complexes que doit résoudre cette sous-direction est évidemment à la croisée de nombreux savoir-faire, de nombreuses disciplines bien sûr diplomatiques, sociales et juridiques. Cette pluridisciplinarité et cette approche étroitement conjuguée du consulaire et du juridique se traduit par le fait que depuis sa création cette sous-direction est dirigée par un magistrat de l’ordre judiciaire, ce qui est mon cas. Je suis un magistrat de l’ordre judiciaire ayant exercé pendant environ une quinzaine d’années dans les juridictions françaises, aussi bien en matière civile qu’en matière
pénale. Dans cet exercice professionnel qui a été le mien, j’ai acquis la conviction – et pour utiliser une formule que j’emprunte à quelqu’un qui écrit notamment sur la médiation internationale – que l’excès de droit enivre la justice et son manque le déshydrate. C’est véritablement cet équilibre délicat, cet équilibre qui est sans cesse remis en cause par les circonstances que nous devons essayer de trouver et de maintenir à la sous-direction de la protection des droits des personnes.

Tout d’abord, vous présenter brièvement le secteur des créances alimentaires à l’étranger. Il s’agit d’un secteur qui, lui, aussi, est le réceptacle de la multiplication des couples mixtes, de la facilité des déplacements qui génèrent des difficultés en cas de séparation de ces couples, notamment en cas de divorce, lorsque la cellule familiale est éclatée de par le monde et lorsqu’il faut malgré tout que la pension alimentaire puisse continuer à être payée et que l’une des personnes ne se retrouve pas sans droits du fait du départ du créancier à l’étranger ou du fait d’être elle-même à l’étranger. À ce titre-là, nous traitons près de 3 500 dossiers par an, tous pays confondus. Il s’agit d’une activité soutenue qui va croissant. Le secteur du recouvrement des créances alimentaires occupe cinq personnes qui ont une compétence géographique bien délimitée, ce qui permet une
spécialisation et une bonne connaissance de la législation locale et des procédures à mettre en jeu. Le ministère des Affaires étrangères et européennes, et en particulier le bureau du recouvrement des créances alimentaires est, pour l’application de l’instrument juridique international en la matière qui est la Convention de New York du 20 juin1956, l’autorité centrale. En tant qu’autorité centrale, il assure une coopération administrative entre les Etats signataires et met en
oeuvre, lorsque la France est État requis ou sollicite la mise en oeuvre lorsque la France est État requérant, des procédures d’exequatur et d’exécution permettant le paiement des créances alimentaires en France ou à l’étranger. C’est donc un bureau évidemment en lien avec les créanciers, les débiteurs ainsi qu’une série de professionnels, en la matière, les avocats, les huissiers de justice et, bien entendu, les homologues étrangers. La Convention de New York prévoit deux types de phases : une phase amiable et une phase de recouvrement forcé. Ce secteur va évoluer, parce que les conventions internationales en la matière évoluent. Au titre de deux nouveaux
instruments juridiques, la Convention de La Haye du 23 novembre 2007 et un règlement du Conseil de l’Europe du 18 décembre 2008, la Convention de New York sera remplacée. La France a décidé que le ministère des Affaires étrangères et européennes et le bureau RCA en particulier restent, pour assurer la continuité publique, l’autorité centrale pour ces nouveaux instruments qui seront en vigueur en juin 2011. Véritablement, sachez que lorsque vous avez des Français à l’étranger qui ont des difficultés de mise en exécution de la décision qui prévoit la pension alimentaire, il y a des outils juridiques et nous nous occupons aussi de cet aspect. Comme vous le savez, cet aspect quotidien de la vie des gens est fondamental pour l’organisation
de la vie et de l’éducation des enfants.

L’autre secteur d’activité est le secteur protection des mineurs et de la famille. Comme son nom l’indique, il s’occupe plus spécifiquement des problématiques liées à la famille et donc, aux déplacements et aux rétentions illicites d’enfants, d’une part, et, d’autre part, à tout une thématique de protection des mineurs et des femmes ou des hommes qui, à l’étranger, se trouvent dans une situation de danger au sens d’une atteinte à leur intégrité physique, psychique grave liée à des circonstances de violence liées ou parfois de vulnérabilité. Nous investissons beaucoup sur un sujet, car il se développe aussi et va grandissant. Il s’agit du mariage forcé. Une fiche réflexe peut être consultée sur le site France-diplomatie, sur laquelle la sous-direction de la protection des droits des personnes a eu quelques succès récents, notamment pour permettre à des jeunes filles de revenir en
France malgré cette situation de mariage forcé que l’on voudrait leur imposer. Ce sujet nous mobilise et nous y travaillons en lien avec d’autres acteurs français, et notamment des associations.

Un autre sujet important – je vous le disais –est la protection
des mineurs. Vous l’évoquiez, Monsieur le Directeur, dans votre rapport en début de matinée, nous sommes très investis et nous l’avons été cet été. Nos postes ont été complètement mobilisés et ont vraiment effectué un travail de qualité notamment sur cette situation de mineurs qui, à l’occasion de voyages organisés, se retrouvent en difficultés en raison de divers dysfonctionnements graves et sérieux.
Un mot pour vous parler des déplacements illicites d’enfants, mais évidemment sans rentrer dans le détail, ce qui nous amènerait à consommer beaucoup de temps que nous n’avons pas nécessairement. En matière de déplacement illicite d’enfant, il y a un texte cardinal qui est une Convention de la Haye et, pour l’Europe, le règlement Bruxelles II bis. Il faut avoir en tête le mécanisme de ces outils-là, ce qui permet, lorsque nous sommes saisis de ces situations, de voir quelle est la marge de manoeuvre possible ou pas. Ces outils-là sont des outils de coopération administrative pour faciliter le retour de l’enfant déplacé illicitement. Le prisme de cet axe est le prisme du mineur. Ce n’est pas l’intérêt de l’un ou l’autre des parents, mais celui du mineur à pouvoir voir la situation de voie de fait qui a été imposée rétablie. Ce texte n’a pas vocation à rentrer dans le fond du
dossier à et dire quel parent va avoir la garde ou non de l’enfant. Mais face à cette situation de voie de fait qu’est le déplacement illicite d’enfant, c’est ramener l’enfant vers le pays de sa résidence habituelle. Ce sont les juridictions du pays de sa résidence habituelle qui devront statuer sur l’avenir de l’enfant. Parfois, l’enfant retourne au pays de sa résidence habituelle et ne retourne pas pour autant avec ses parents, parce que la problématique familiale est telle que les autorités considèrent qu’il y a une situation de danger. L’enfant peut donc se retrouver en situation de placement. Donc, véritablement, il ne faut pas perdre de vue cette notion, parce qu’évidemment, pour les parents, c’est la volonté de récupérer l’enfant, un retour de l’enfant vers lui. Or, l’idée, c’est vers le pays de sa résidence habituelle, vers le pays où il a ses repères, où il est établi et, ensuite, dans ce pays-là va être traitée la question de sa garde.

Vous dire rapidement que sur ce sujet nous sommes évidemment très investis à côté du ministère de la Justice et des libertés
qui, pour l’application de ces instruments juridiques, est l’autorité centrale. Nous sommes très investis afin que d’autres pays
adhèrent à la Convention de La Haye. En ce sens, vous savez qu’un travail est fait vers le Japon pour favoriser, dans un temps le plus proche possible, son adhésion à la Convention de La Haye. Notre travail est également un travail diplomatique, d’échanges consulaires. Aussi, nous menons des négociations d’accords bilatéraux avec la Russie où nous connaissons évidemment de nombreuses situations compliquées en la matière. Il y a eu plusieurs échanges. C’est un dossier qui évolue et sur lequel les négociations progressent. S’agissant du Japon, au mois de décembre 2009, il a été décidé de créer un comité de consultation franco-japonais sur l’enfant au centre d’un conflit parental. Ce comité s’est réuni une première fois à Tokyo au mois de décembre 2009 ; il s’est réuni au printemps dernier à Paris. Il s’agit d’un lieu d’échanges d’informations. Ce lieu vise à
permettre que le contact puisse se renouer entre le parent victime de la situation de déplacement et l’enfant. Je dois dire que sur ce sujet, l’ambassade de France à Tokyo et les consulats de Tokyo et de Kyoto sont extrêmement investis. Alors que la situation juridique est très complexe et que le droit japonais est bien éloigné à cet égard des standards de notre droit, un travail est fait pour tenter de renouer ce contact qui est très difficile. Évidemment, c’est grandement frustrant, parce que ce sont de petits pas de fourmis, mais tous ces petits pas œuvrent dans le sens de tenter d’améliorer le sort de ces enfants qui sont privés, de par l’éloignement de leur double culture, et le sort de ces familles qui sont finalement pulvérisées par ces situations de
déplacements d’enfants.

Vous dire enfin un mot sur l’autre secteur d’activité de la sous-direction. Il s’agit du secteur de la protection consulaire des
détenus. Dans le rapport, vous avez des détails chiffrés. Nous avons plus de 2 000 Français détenus à l’étranger. Une répartition
est faite par zones géographiques et par nature de délit. Vous disposez également du nombre – qui a hélas augmenté – du nombre de Français condamnés à la peine capitale. Ainsi, 7 Français sont condamnés à la peine capitale à l’heure où je vous parle. Au-delà de ces informations que nous allons essayer d’affiner ou de davantage élaborer, je voudrais peut-être vous préciser ce qu’est en la matière le périmètre de notre champ d’action, le périmètre de la protection consulaire, car véritablement une grande problématique transversale pour comprendre nos sujets, notre action à la sous-direction de la protection des droits des personnes est celle de se poser la question du périmètre de notre domaine d’action. Nous voulons évidemment nous mobiliser entièrement et pleinement à l’intérieur de ce périmètre, mais nous avons un périmètre d’action qui est limité et qui est
celui de la protection consulaire. Elle se traduit, sur la question des détenus, par le fait, comme je le disais dans mes propos initiaux, que nous ne pouvons pas interférer dans le cours de la justice. Pourquoi ? Parce que cela serait porter atteinte à la souveraineté des Etats ou à l’indépendance de la justice. Donc, il n’est pas possible d’intervenir sur le cours de la justice et donc, sur le débat concernant les charges au fond du dossier ou sur l’exercice de procédure classique devant les autorités judiciaires. Notre rôle consiste à nous assurer, lorsque le Français détenu en fait la demande, de ses bonnes conditions de
détention. Je mets évidemment des guillemets, puisqu’il s’agit de conditions normales au regard du standard local dans le pays
où il est détenu. Notre rôle consiste également à veiller à ce qu’il puisse bénéficier de ses droits (droit d’accès à un avocat, droit à des visites) mais également de veiller à ce que sa santé est correcte, qu’il a le droit de suivre un traitement en cas de besoin. Évidemment, lorsque la santé est compromise gravement pour des raisons humanitaires, d’autres choses peuvent être envisagées. Mais à ce stade-là, et uniquement à ce stade-là, c’est aussi notre rôle de permettre le transit d’argent, c’est-à-dire que des familles puissent apporter une petite aide financière aux détenus pour qu’ils puissent – comme on le dit dans les prisons françaises – cantiner. Notre service assure cela, ce qui est important pour le quotidien de nos Français détenus. Nous devons également veiller à ce qu’ils puissent avoir un avocat qui exercera véritablement les droits de la défense. Cette notion d’avocat qui va exercer véritablement les droits de la défense et agir en justice est vraie pour l’ensemble des sujets que nous traitons au sein de la sous-direction de la protection des droits des personnes.

Voici rapidement, à grands traits, brossée l’activité de cette sous-direction. Vous dire, en quelques mots de conclusion notre
entière volonté et disponibilité pour véritablement favoriser et œuvre dans la résolution de ces situations douloureuses. Il s’agit d’une équipe très investie et mobilisée. Je veux aussi vous dire pour la première fois que nous sommes à votre écoute, prêts à nous impliquer et à nous mobilier dans la limite, encore une fois, de nos moyens et de nos compétences. En matière de sujets de la sous-direction de la protection des personnes, la notion de synergie est importante ; synergie entre les différents acteurs. Il s’agit d’une notion capitale pour permettre, parfois non de résoudre, mais d’orienter vers la résolution.

Merci à tous de votre attention. Je répondrai bien volontiers à vos questions.
(Applaudissements).