Publié le 09/09/2010

Discours de M. Xavier Darcos, Ambassadeur en mission pour la politique culturelle extérieure de la France

Discours de M. Xavier Darcos, Ambassadeur en mission pour la politique (...)

M. Xavier Darcos s’est exprimé devant l’Assemblée des Français de l’étranger lors de la XIIIe session plénière le 9 septembre 2010. L’intégralité de son intervention est transcrite ci-dessous. Les questions posées à l’Ambassadeur ainsi que les réponses se trouvent dans le document de droite.

D’abord, je voudrais saluer l’Assemblée des Français de l’étranger, que je retrouve, que j’ai vue dans d’autres fonctions au cours de ma carrière, et saluer en particulier mes collègues sénateurs, puisque j’ai été moi-même sénateur et que je connais bien la plupart d’entre eux – même très bien - ; vous dire que je suis heureux de vous parler de la décision qui a été prise de créer l’Institut français. Le Président de la République m’a nommé Ambassadeur en mission pour la politique culturelle extérieure de la France. Sous ce titre, il se cache une mission beaucoup plus pragmatique et claire, de créer l’Institut français, puis d’en prendre la responsabilité pendant quelques années.

De quoi s’agit-il ? Le projet est ancien. Il s’agit de regrouper dans une seule agence, établissement public industriel et commercial (EPIC), tous ceux qui, à des degrés divers, concourent à la politique culturelle, dans les pays où la France est présente, c’est-à-dire à peu près partout.

C’est une opération nécessaire, mais également très délicate. Et, comme nous sommes entre représentants des Français de l’étranger, je dois le dire d’emblée, elle est délicate, d’abord, sur les plans technique et logistique. Il est assez compliqué de dissoudre une association - puisque aujourd’hui CulturesFrance est une association loi 1901 – pour la fondre ensuite dans un établissement public. Ce qui signifie d’ailleurs au passage de passer d’un système de comptabilité privée à un système de comptabilité publique, et qui soulève à ce titre une question technique relativement complexe. Délicat aussi, parce que toujours, lorsque l’on supprime telle ou telle association, tel organisme, il faut que les personnes qui y travaillent prennent de nouvelles habitudes, acceptent de travailler avec d’autres, dans un contexte différent de celui qu’ils ont connu et donc, je travaille
actuellement beaucoup en terme de direction des ressources humaines. Je rencontre les personnes de CulturesFrance, les
personnalités qui concourent à l’action culturelle, qui souhaiteraient y être associées et donc, c’est un travail de contact extrêmement prenant.

C’est délicat, aussi, parce que l’Institut français ne sera pas CulturesFrance ; il comprendra d’autres intervenants, d’autres responsables, puisque, en plus de CulturesFrance – qui représente à peu près 90 personnes – il y aura des représentants d’autres ministères, et plus précisément, les fonctionnaires ou les contractuels qui, aujourd’hui, concourent dans les ministères, à l’action culturelle extérieure. Cela est vrai pour le ministère de l’Éducation nationale, qui a un certain nombre de responsables, au sein de la DRIC ; pour le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, puisqu’il y a tout un aspect coopération scientifique qui va se retrouver dans l’Institut français ; cela est vrai pour le ministère de la Culture qui, à
côté de ses propres stratégies, a des actions spécifiquement tournées vers l’international ; c’est même vrai pour un certain nombre d’établissements publics autres, qui concourent notamment – je pense aux grands établissements publics à caractère culturel, le Louvre, la Réunion des Musées Nationaux - directement ou non aux saisons culturelles ou aux années croisées. Ces derniers rentreront également dans le champ de responsabilités de l’Institut français. tout ceci devrait permettre un regroupement de 170 à 180 personnes, qui seront dans un nouvel établissement public, dans de nouveaux locaux – que nous
sommes en train d’identifier, que nous avons à peu près trouvés et dans lesquels nous nous installerons début 2011 – et qui devront apprendre à travailler ensemble.

C’est aussi délicat enfin, pour le ministère des Affaires étrangères et européennes, parce qu’il va lui falloir apprendre à partager. L’Institut français aura pour numéro 1, en principe, votre serviteur, qui a le titre
d’Ambassadeur, certes, mais pour numéro 2, une personne qui aura été désignée par la Culture, en accord avec les autres ministères, pour numéro 3, une personne désignée par le ministère des Affaires étrangères. Il a donc fallu expliquer aux ambassadeurs, et plus encore au Réseau, que certes, c’était un instrument diplomatique ; je n’ai
qu’une tutelle, celle du ministère des Affaires étrangères, mais nous allons travailler un peu différemment.

Néanmoins, là n’est pas l’essentiel. Je voulais vous le dire, parce qu’il faut que vous connaissiez le fonctionnement des choses, mais l’essentiel est l’utilité, la nécessité de cet Institut français. D’abord, il est absolument indéniable que la France a un réseau très puissant, avec ses instituts, ses conseillers culturels, ses partenaires (Alliance française), myriade d’initiatives ou de structures à caractère très souvent local. Cela est heureux et il n’est pas souhaitable que, du jour au lendemain, depuis Paris, l’on décide de ce qu’il doit se faire dans tous les pays du monde. Reste que la tactique classique qui prédominait en France, consistait à déléguer des crédits à des postes qui, ensuite, en fonction des usages, des projets engagés, les dépensaient dans un contexte étroitement local. Évidemment, ce dispositif ne suffit pas à aider une diplomatie globale. Or, l’Institut français a pour fonction de venir soutenir, accompagner la diplomatie française en général. C’est un appoint diplomatique, un outil d’influence. On parle aujourd’hui beaucoup de soft power, en tant que francophone décidé, j’éviterai ce terme, mais il s’agit, par d’autres biais que la diplomatie traditionnelle, de nourrir des relations avec des pays partenaires et d’appuyer notre politique.

J’ai vu le Président de la République lundi dernier, pour lui présenter l’état des lieux, à sa demande. Évidemment, il a tout de suite proposé un certain nombre de pays qu’il considère comme essentiels dans le cadre par exemple du G20, en disant : « Il faut que l’Institut français fasse quelque chose ici, là, que tu prennes contact avec tel président », etc. Aussitôt, dans son esprit, l’Institut français est un appui à l’influence française. De fait, la mondialisation, Internet, les dispositifs de toute nature, qui permettent de nouer des relations culturelles au niveau international, c’est très bien, très pratique, formidable, mais cela donne un impact considérable aux outils américains et anglophones. Et donc, l’Institut français a compensé cet effet de mondialisation, en retrouvant d’autres types d’échanges,
d’autant que ces échanges sont très inégaux dans le monde et donc, a à lutter contre une forme d’impérialisme culturel, qui passe aujourd’hui par Google ou par l’Internet. Et donc, l’Institut français utilisera ses propres moyens pour défendre ce que sont nos valeurs culturelles - la francophonie notamment, mais pas seulement -, les valeurs que porte la culture française, qui ne seront pas forcément celles que portent des outils généralement commerciaux de communication internationale.

Nous voyons très bien, d’ailleurs, ce que demandent nos acteurs culturels dans les territoires et je pense que l’Assemblée des Français de l’étranger en sera d’accord. Ils l’expriment de manière très claire lorsque l’on parle avec eux. Ils veulent pouvoir avoir de la diversité, encourager la création, faire connaître ce qui se passe en France, les créateurs, les écrivains. Je pense en particulier au sujet très complexe des traductions. Vous savez qu’il existe un système, que l’on peut sans doute améliorer, mais qui fonctionne déjà, qui consiste à repérer les auteurs dont on considère qu’ils doivent être traduits et très
souvent, ce sont les postes qui le disent : tel auteur très important et qui pourrait intéresser notre action culturelle à l’étranger est très difficile d’accès. Une telle question ne se pose évidemment pas pour les textes écrits en anglo-saxon. Or, lorsque l’on regarde les grands auteurs français encore traduits aujourd’hui, ou qui jouent encore un rôle dans le monde de la communication autour du livre, la plupart ont déjà relativement de l’âge. Il s’agit plutôt de l’école des structuralistes (Deleuze, Derrida, Foucault) et beaucoup de chercheurs aujourd’hui, en particulier dans le domaine des sciences humaines, ne sont pas traduits. Or, les sciences humaines françaises restent sans aucun doute un des secteurs dans lequel la France reste extrêmement
performante. Aussi, il nous faut avoir toute une stratégie d’accompagnement de nos auteurs, des colloques qu’ils organisent,
pas seulement en les traduisant, mais aussi en les promouvant dans leur propre langue, au sein des divers pays.

C’est donc une nouvelle modalité de l’influence et de la culture françaises. L’idée que l’Institut français puisse fédérer immédiatement la totalité des instituts et des conseillers culturels a posé quelques difficultés. Cela figurait dans le projet initial ; lors de la discussion au sein des deux assemblées, il est apparu clairement que l’idée qu’au premier janvier, subitement, tous les acteurs culturels du monde soient rattachés à l’Institut français était une idée peu réaliste. En conséquence, la loi a prévu que pendant trois ans maximum, une dizaine de pays soient identifiés, que leurs acteurs culturels soient directement rattachés au réseau et qu’avec eux, nous fassions une expérimentation de rattachement direct. Pour y encourager les postes, nous avons proposé un certain nombre d’appels d’offres sur tel ou tel projet. Les pays qui se porteront volontaires recevront des aides
complémentaires à cet effet. À dire vrai, les choses fonctionnent plutôt bien, puisque pour l’instant, nous avons trop de candidats. Nous opèrerons à un arbitrage courant novembre.

L’Institut français a également la mission de renouer des contacts formels et exprimés par des contrats d’objectifs et de moyens avec les grands partenaires culturels français. Évidemment, au premier plan, l’Alliance française reçoit une grande partie de ces moyens d’action des services de l’État français. Mais, pas seulement : un certain nombre d’opérateurs internationaux, voire privés, viendront nouer avec nous des relations et nous résignerons ensemble, au tout début de l’année
2011, une convention qui règlera clairement nos relations. L’idée est évidemment d’harmoniser autant que possible et mieux qu’aujourd’hui, l’action commune.

Et puis, et j’en terminerai par là, l’Institut français a aussi une fonction d’interface, d’accueil des cultures étrangères en France. Par exemple, lorsque nous faisons des années croisées, ainsi de l’année du Mexique en 2011, ce n’est évidemment pas seulement la France qui se rend au Mexique, mais également le Mexique accueilli en France. C’est une des missions de l’Institut français. Cela exigera évidemment une très grande mobilisation et, sans aucun doute, un accroissement très sensible du département des partenariats tel que nous le concevons aujourd’hui.

La structure de l’Institut, elle-même, c’est-à-dire les directions, les services, les personnes affectées, les équivalents temps
plein qui seront distribués dans l’organigramme, n’est pas complètement arrêtée, mais pas loin de l’être. D’abord, parce que
nous disposons d’un rapport réalisé par Monsieur COMBLES DE NAYVES, conçu à la Cour des comptes, ancien ambassadeur
en Hongrie, qui nous a fait un certain nombre de propositions d’organigramme, qui seront repris à quelque chose près. D’autre
part, nous sommes en train de rédiger les décrets constitutifs de l’Institut français, qui devraient être présentés au Conseil d’État
à la fin de cette semaine. Ils devraient être publiés d’ici trois semaines un mois. Les choses avancent donc assez vite, malgré les
difficultés.

Voilà ce que je voulais vous dire. Ce préalable devrait suffire et je suis prêt à répondre à toutes vos questions.
(Applaudissements).