Demandes de visas à Kiev

Question écrite de M. Jean-Yves LECONTE, membre élu de la circonscription électorale de Vienne, Vice-président de l’AFE et M. Cédric ETLICHER, membre élu de la circonscription de Moscou

QUESTION

L’Ukraine est aujourd’hui l’une des frontières terrestres les plus importantes de la zone Schengen. Il y a quelques années, plusieurs pays de la zone Schengen actuelle avaient des accords de libre circulation avec l’Ukraine. Leur entrée dans la zone Schengen, et l’obligation de visa Schengen pour les citoyens ukrainiens qui se rendent dans ces pays, a été ressentie en Ukraine comme la mise en place d’un nouveau mur à l’Est de l’Union européenne.

Régulièrement la presse se fait échos des difficultés des Ukrainiens à obtenir des visas. L’externalisation totale ou partielle effectuées par certaines ambassades de pays membres de l’Union a été critiquée au plus haut niveau de l’Etat ukrainien. Récemment, et de manière récurrente, la presse ukrainienne s’interrogeait sur les très gros écarts dans les refus d’attribution de visa entre plusieurs consulats de pays de la zone Schengen établis en Ukraine.

Il est clair que la politique actuelle de visa pratiquée par la zone Schengen en Ukraine porte un lourd coup à la nécessaire ouverture de l’Ukraine à l’Europe. Pire, dans ce contexte, la France apparaît comme l’un des pays les plus fermés, avec l’un des taux de refus parmi les plus élevés. Nous devons constater les faits suivants :

1. Les pays de la zone Schengen n’appliquent pas les mêmes critères pour attribuer aux Ukrainiens un même document,
2. La France semble parfois oublier que l’Ukraine a une frontière terrestre avec la zone Schengen, ce qui conduit un citoyen ukrainien qui se rend en France par la route à n’avoir pas de tampon français sur son passeport. Ce qui lui est reproché ensuite lorsqu’il doit à nouveau se présenter au consulat pour contrôle.
3. La politique actuelle, plus restrictive que celle de nos partenaires, comme l’indiquait encore récemment la presse ukrainienne, fait payer à la coopération économique et culturelle franco-ukrainienne un lourd tribu.
4. Alors que l’Ukraine est un pays très étendu (Ouzhgorod-Lougansk : plus de 1500 km), avec des centres économiques, culturels, scientifiques très importants et éloignés de la capitale, la France n’a qu’une représentation diplomatique et consulaire à Kiev.
5. Si les visas biométriques devaient un jour être mis en place pour les Ukrainiens, rendant ainsi la comparution obligatoire à Kiev de l’ensemble des demandeurs, l’observation précédente, sauf à travailler sur un dispositif tout à fait nouveau, rendrait très compliquée toute coopération avec les régions ukrainiennes. Et la situation des demandeurs à Kiev serait encore bien aggravée par rapport à la présente situation compte-tenu de l’engorgement déjà notable du service visa de notre Ambassade et des temps d’attentes qui nous coûtent déjà de nombreuses relations commerciales actuellement.

C’est la raison pour laquelle, il faudrait travailler sur les pistes suivantes :
1. Coopération pour l’établissement des visas Schengen avec nos autres partenaires Schengen, par la mise en place de manière bilatérale ou multilatérale de bureau commun en région pour collecter les demandes de visa. La Pologne par exemple dispose aujourd’hui de consulats généraux à Lwïw, Lutsk, Odessa et Charkhïw.
2. Enfin, si une externalisation était envisagée, que celle-ci prévoie d’imposer aux prestataires que les demandes puissent être déposées dans des bureaux décentralisés dans les principales villes d’Ukraine.

Il faut dans tous les cas éviter que la mise en place progressive de la biométrie pour les visas Schengen en Ukraine ne se traduise par une obligation de comparution dans la capitale pour l’ensemble des demandeurs. Ceci se traduirait par un besoin d’important investissement pour l’accueil du public et des coûts fixes complémentaires, tandis que beaucoup de demandeurs devraient faire plus de 2000 km pour obtenir un visa.

Si les visas pour les Ukrainiens devaient encore être maintenus, un dispositif européen commun en Ukraine et décentralisé dans les principales villes du pays est essentiel pour faciliter les échanges entre l’Ukraine et l’Europe et éviter toute compétition ou différence d’approche entre les pays Schengen : une sévérité maximale pour certains pays comme la France, et une ouverture de la part d’autres pays. En effet, aux yeux des Ukrainiens, ces différences d’approches retirent tout sens et toute raison à l’exigence d’un visa.

Pourrait-on disposer d’une information complète sur :

1. les investissements et changements qui sont prévus pour remédier à la situation présente,
2. l’agenda de l’introduction de la biométrie,
3. les analyses qui ont été faite auprès des opérateurs de la coopération économiques et culturelle franco-ukrainienne pour que cette introduction ne s’ajoute pas aux actuelles difficultés provoquées par les visa sur nos échanges et leurs qualités.

REPONSE

Vous attirez notre attention sur les conditions de délivrance des visas Schengen par la France en Ukraine et d’une manière générale sur la politique européenne en matière de circulation vis-à-vis de ce pays stratégique.

Vous nous interrogez sur ce qu’il est prévu de faire en matière de biométrie et d’organisation de la délivrance des visas.

Le contexte ukrainien : Le département et le Ministère chargé de l’immigration, chargés conjointement de la politique d’attribution des visas, n’ignorent pas la perception qu’ont les Ukrainiens de la contrainte d’avoir à demander un visa. Les campagnes de presse vilipendant l’attitude des consulats européens ne reposent souvent sur aucun fait et ont pour principal objectif de maintenir la pression sur les pays Schengen afin d’accélérer la suppression des visas. Elles ne s’interrogent guère sur les progrès à effectuer par les autorités ukrainiennes pour parvenir de manière rationnelle à cet objectif, notamment par une gestion adéquate de l’immigration illégale et un meilleur contrôle des frontières ou encore la sécurisation totale des documents de voyage, conditions qui ont par exemple été remplies par certains pays balkaniques (Monténégro, Serbie, Macédoine) qui seront dispensés de visa à compter du 19 décembre 2009.

Les faits :
 Le taux de refus français est en 2009 de 5,64%. Il a baissé de moitié depuis 2006. Il se situe dans la moyenne européenne (par exemple : Espagne : 6%, Pays-bas : 4,81%, Allemagne : 10,93%). Le taux de refus a néanmoins légèrement remonté depuis 2008 (3,86%) en raison des effets de la crise économique qui accroît le risque migratoire.
 L’accueil des demandeurs de visa et la faiblesse de notre couverture consulaire dans un pays aussi étendu que l’Ukraine constituent cependant, comme vous le faites justement remarquer, des faiblesses de notre dispositif de délivrance des visas. La RGPP réduisant nos moyens d’intervention, nous devons avoir recours à des solutions tenant compte de moyens ne pouvant être accrus pour pallier cette carence.

La biométrie : il n’est pas prévu d’introduire à court terme le visa biométrique en Ukraine. Ce pays devrait figurer parmi les dernières régions de déploiement, à l’instar de la Russie, probablement pas avant 2012.
L’externalisation : Afin d’améliorer les conditions d’accueil et les délivrances des visas, tout en permettant aux agents consulaires de se concentrer sur l’instruction des dossiers, il est prévu d’externaliser la collecte des demandes de visa en 2010. Un appel à candidatures devrait être lancé au premier trimestre 2010. L’externalisation sera l’occasion de procéder à une réorganisation du service des visas. Elle s’accompagne en général de la mise en place de procédures simplifiées et à la signature d’accords de partenariat avec des organismes concourant à la vitalité de nos relations bilatérales sur le plan politique, économique, culturel

Couverture consulaire en Ukraine : Des démarches sont en cours afin de se faire représenter par nos partenaires Schengen disposant de consulats en province. La Pologne a été sollicitée pour Sebastopol, Kharkov et Vinnitsya. La Tchéquie le sera bientôt pour Lyov et Donetsk. La Grèce sera sollicitée pour Odessa et Mariopol. Cette représentation de proximité, si elle est acceptée par nos partenaires Schengen, éviterait au demandeur de visa de se déplacer dans la capitale au moment de l’introduction de la biométrie. La même politique est poursuivie en Russie.

Sur le plan européen, l’Ukraine bénéficie déjà d’un accord de facilitation visa. La Commission a jugé récemment qu’il était appliqué correctement, même s’il subsiste encore des pratiques différentes entre les consulats Schengen. Une révision de cet accord est en cours pour apporter de nouvelles facilités (gratuités, visas de circulation) et prévoir explicitement la pratique de l’externalisation. Un dialogue sur la suppression de l’obligation de visas a été engagé = sous présidence française de l’UE = mais il s’agit encore d’une perspective de long terme.

ORIGINE DE LA REPONSE : FAE/MPV

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