Conduire à l’étranger : législation comparée et propositions

Résolution n°2 de la commission des lois, des règlements et des affaires consulaires - Mars 2015

RÉSOLUTION

L’Assemblée des Français de l’Étranger,

CONSIDÉRANT

• la Convention de Vienne du 8 novembre 1968 sur la circulation routière

• la Directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 relative au permis de conduire,

• le Décret n°2011-1475 du 9 novembre 2011 portant diverses mesures réglementaires de transposition de la directive 2006/126/CE relative au permis de conduire,

• l’Arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d’échanges des permis de conduire délivrés par les Etats n’appartenant ni à l’Union européenne, ni à l’Espace économique européen,

• l’Arrêté du 20 avril 2012 fixant les conditions d’établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire,

• le rapport intitulé « Conduire à l’étranger : législation comparée et propositions » adopté par la commission des lois, des règlements et des affaires consulaires,

DEMANDE AU GOUVERNEMENT :

1. de permettre aux postes consulaires de délivrer des duplicatas de permis de conduire en cas de vol ou de perte et de délivrer des permis de conduire internationaux,

2. de s’assurer que tous les consulats délivrent le relevé d’information restreint (RIR),

3. que la procédure de « rétablissement des droits à conduire », pour les Français qui ont été titulaires d’un permis de conduire français et qui reviennent en France, soit simplifiée,

4. que l’Assemblée des Français de l’étranger soit davantage tenue informée des négociations en cours menées par la France (échanges, reconnaissance, catégories de permis de conduire) ; que les échanges réciproques de permis de conduire soient favorisés, notamment dans les Etats ou provinces de pays fédéraux et que l’échange du permis moto soit étendu quand l’échange du permis voiture existe déjà.

5. qu’un fascicule d’information et une rubrique du site internet du Ministère des Affaires étrangères et du Développement international abordent tous les cas de figure et soit régulièrement mis à jour,

6. de négocier avec nos partenaires européens afin que la réussite à l’examen du code de la route soit reconnue par tous nos partenaires européens, pour une meilleure prise en compte de ce domaine qui relève au quotidien de la citoyenneté européenne.

RésultatsAdopté en commissionAdopté en séance
Unanimité X X
Nombre de voix « pour »
Nombre de voix « contre »
Nombre d’abstensions

1) Quant à la délivrance de duplicatas de permis de conduire en cas de vol ou de perte et à la délivrance de permis de conduire internationaux :

La délivrance par le réseau consulaire de permis de conduire aux Français établis à l’étranger apparait à la fois contraignante au regard des besoins réels, et juridiquement peu compatible avec les engagements européens et internationaux de la France.

Dans l’Union européenne (UE) et l’Espace économique européen (EEE), les usagers qui perdent ou se font voler leur titre, ou qui sont titulaires d’un permis détérioré ou expiré, peuvent s’adresser aux autorités locales pour solliciter de leur part un nouveau permis de conduire européen sécurisé, valable dans tous les pays membres de l’UE et de l’EEE, ainsi qu’à l’étranger (sauf en Chine) à l’occasion de courts séjours. En conséquence, dans l’UE/EEE, le renouvellement du permis en consulat n’apporterait rien de plus que le renouvellement auprès des autorités locales, sinon des délais supplémentaires d’acheminement du titre.
De plus, la directive européenne 2006/126/CE relative au permis de conduire dispose qu’« aucune personne ne peut être titulaire de plus d’un permis de conduire » et que « le remplacement d’un permis de conduire faisant suite notamment à une perte ou à un vol peut seulement être obtenu auprès des autorités compétentes de l’État membre où le titulaire a sa résidence normale » (art. 11 §5). Les autorités françaises ne sauraient donc créer un nouveau dispositif de délivrance qui viendrait s’ajouter à celui qui existe déjà auprès des autorités locales, et qui pourrait conduire les usagers à obtenir un second permis européen, sollicité simultanément auprès du consulat.

Hors de l’UE/EEE, les titulaires de permis français peuvent conduire à l’étranger (sauf en Chine) tant qu’ils n’y résident pas, soit pendant une durée comprise généralement entre trois mois et un an selon les États. Au-delà de cette durée, et à de rares exceptions près (titulaires de titres de séjour spéciaux), les usagers sont tenus de conduire avec le permis local. Autrement dit, passé ce délai, le permis français ne leur est plus d’aucune utilité. En cas de court séjour dans un autre pays ou de retour en France, ces usagers peuvent conduire temporairement avec leur permis étranger. En conséquence, délivrer des permis de conduire français à des usagers qui résident à l’étranger et qui, à ce titre, sont tenus de conduire exclusivement avec le permis local, se révèlerait dépourvu d’effet utile.
Par ailleurs, la directive européenne 2006/126/CE dispose que la France ne peut délivrer de permis de conduire qu’à des usagers qui ont leur résidence normale sur son territoire. Enfin, aux termes de la convention de Vienne sur la circulation routière du 8 novembre 1968, les États ne s’engagent à reconnaitre que les permis délivrés sur le territoire de l’autorité émettrice. Par conséquent, des permis de conduire français délivrés à l’étranger ne seraient pas reconnus.

S’agissant de la délivrance de permis de conduire internationaux, simples traductions du permis national, la convention de Vienne de 1968 prévoit explicitement que ces titres ne peuvent être délivrés qu’à des usagers qui résident sur le territoire de l’État de délivrance, ce qui exclut donc que des ambassades délivrent ces documents en territoire étranger.

Le principe général qui sous-tend l’ensemble du dispositif de reconnaissance et d’échange des permis, tel qu’il est mis en œuvre dans le cadre des deux conventions internationales sur la sécurité routière, est que chaque usager conduit avec le permis du territoire dans lequel il a sa résidence normale. L’État de résidence est le mieux à même d’assurer le suivi des droits à conduire des usagers qui y résident. C’est pourquoi il revient à l’État de résidence seul de délivrer des permis de conduire.

Toutefois, certains usagers établis hors UE/EEE peuvent se trouver handicapés du fait de la perte ou du vol de leur permis. Il s’agit notamment d’usagers récemment installés à l’étranger qui viennent à perdre leur permis avant d’avoir pu l’échanger contre le permis local, ou de titulaires de titres de séjour spéciaux (étudiants, professeurs, agents affectés à l’étranger) qui, de par leur statut, sont autorisés à conduire avec leur permis français durant leur séjour à l’étranger.
L’administration entend apporter des réponses à ces situations particulières, dans la lignée des propositions de l’AFE. Ainsi, un projet de texte est en cours d’élaboration avec le ministère de l’Intérieur, visant à faciliter le renouvellement des permis de conduire de ces usagers qui sont en réalité réputés avoir conservé leur résidence normale en France. La demande de renouvellement serait traitée par la préfecture compétente en France, et le titre acheminé au poste consulaire via la valise diplomatique.

2) Quant à la délivrance du relevé d’information restreint (RIR) par les consulats :

Confier la délivrance du relevé d’information restreint (RIR) aux consulats, soit leur donner la possibilité d’éditer sur place le document, nécessiterait de raccorder tous les postes diplomatiques au fichier national des permis de conduire, et de former les agents consulaires à l’utilisation de ce fichier, ce qui représenterait un coût important et une tâche nouvelle qui ne peut être attribuée à nos postes consulaires.
En revanche, aujourd’hui, tout usager peut déjà solliciter par correspondance un RIR auprès de la préfecture de délivrance de son permis de conduire (en fournissant une copie de pièce d’identité). Les services consulaires interviennent dans la remise de ce document. Un demi ETP est consacré à cette tâche au consulat général de France à Bruxelles.

Le projet de décret en cours de finalisation avec le ministère de l’Intérieur prévoit la simplification de la demande et de la délivrance de RIR, par voie dématérialisée. Enfin, un formulaire est prévu pour faciliter ces demandes de RIR.

3) Quant à la procédure du rétablissement des droits à conduire pour les Français qui reviennent en France et qui ont été titulaires d’un permis de conduire français :

Le texte en cours de finalisation avec le ministère de l’Intérieur répond également à cette préoccupation. Le projet de décret crée le cadre d’une procédure plus souple de rétablissement des droits à conduire pour les usagers qui ont obtenu par examen le permis français, l’ont échangé ou perdu à l’étranger, et qui se réinstallent en France : ceux-ci pourront solliciter plus facilement le renouvellement de leur permis français auprès de leur nouvelle préfecture de résidence.

4) Quant à l’information de l’Assemblée des Français de l’étranger à propos des négociations en cours et à la facilitation de l’échange des permis :

En matière d’échange réciproque des permis de conduire, la France dispose aujourd’hui d’un dispositif sans commune mesure dans l’Union européenne. Les Français qui s’établissent à l’étranger peuvent obtenir par échange le permis local dans une centaine de pays, hors UE. En revanche, à titre de comparaison, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni n’échangent ne pratiquent l’échange des permis qu’avec une quinzaine d’États hors UE.

Dans le cadre de la mise en place du nouveau permis de conduire européen sécurisé et de l’harmonisation des conditions d’obtention des droits à conduire dans l’Union européenne, le ministère de l’Intérieur a engagé une réforme du système français d’échange des permis délivrés par les Etats tiers afin de répondre aux impératifs de la politique de sécurité routière et de sécurisation du titre agréés au niveau européen. Dans ce contexte, il ne peut être envisagé pour le moment d’ouvrir des négociations en vue de conclure un nouvel accord dans ce domaine, tant que la réforme n’est pas achevée.

5) Quant à la création d’un fascicule didactique et d’une rubrique en ligne sur le site internet du ministère pour faciliter l’information des usagers :

Des supports didactiques sont en cours d’élaboration pour permettre une meilleure compréhension par l’usager des procédures et dispositifs existants.

6) Quant à la reconnaissance entre États membres de l’UE de la réussite à l’examen du code de la route :

Les conditions d’établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire au sein de l’Union européenne sont régies par la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006.
Cette directive a poursuivi le travail de convergence des législations nationales engagé par la directive 80/1263/CEE du 4 décembre 1980 en fixant notamment des exigences minimales en matière de formation des conducteurs, tout en laissant aux États membres la possibilité de prendre des mesures supplémentaires pour la poursuite de leur propre politique de sensibilisation à la sécurité routière.
La directive a réaffirmé le principe de la reconnaissance mutuelle des permis de conduire, mais pas de la formation théorique dispensée par les États membres. Cette question de la reconnaissance mutuelle des formations relève de la compétence de la Commission européenne. Les États membres ne sauraient donc s’entendre par voie d’accords bilatéraux ou multilatéraux pour instaurer une telle reconnaissance sans outrepasser leurs compétences.

Toutefois, il convient de noter que la réglementation nationale n’ignore pas totalement le bénéfice des formations validées au sein d’un autre État membre puisque l’article 2 paragraphe II.B de l’arrêté du 20 avril 2012 fixant les conditions d’établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire, prévoit pour les titulaires d’un permis de conduire européen une dispense de l’épreuve théorique générale en cas de présentation à une nouvelle catégorie de permis de conduire en France (à l’exception toutefois de la catégorie A obtenue après 2 ans de catégorie A2 et d’une formation de sept heures) si la dernière catégorie de permis a été obtenue il y a moins de cinq ans.

Origine de la réponse : MAEDI/FAE/SAEJ/CEJ